Mais au fait, c’est quoi le «féminisme» ?


Le terme désignant tout autant les suffragettes que le manifeste des 343 salopes ou les Pussy Riot, une sérieuse explication de texte s’impose pour comprendre ce que revêt désormais ce mouvement qui reprend depuis quelques années de l’élan. Force est de constater qu’un vent de renouveau souffle sur les revendications des Femmes : l’image de la féministe n’est plus un cliché ringard envisageant une énervée voire une lesbienne cramant volontiers son sous-tif pour régler sa frustration ou ses comptes avec les hommes. La réalité de nos jours correspond plutôt à l’idée de déboulonner les idées misogynes des machos (vieux ou jeunes) et souvent en ayant recours à l’humour pour y parvenir.

Cette effervescence se retrouve dans le milieu associatif, ainsi depuis quatre ans, nous voyons de nouvelles références apparaître, pour ne citer que les plus connues commençons par le groupe d’action La Barbe lancé en 2008,  Osez le féminisme (OLF) en 2009 devenu depuis un véritable réseau dans toute la France et le Laboratoire de l’égalité qui depuis 2010 milite pour la représentativité des Femmes au sein des entreprises.

Les media ne sont pas en reste, en 2009 sont apparues Les Nouvelles News, le premier webmagazine généraliste au contenu « mixte ». Mais qu’est ce qu’un contenu mixte me direz-vous ? Et bien c’est un journal qui veille à ce que les personnes évoquées dans le contenu de l’actualité ne soient pas qu’à seulement 20% des femmes comme cela est le cas dans le reste de la presse. L’objectif de citer une femme plus qu’une fois sur cinq c’est loin de la parité mais c’est déjà militant.

On ne doit pas oublier Causette qui depuis deux ans annonce dès la couverture s’adresser à des lectrices « plus féminines du cerveau que du capiton ». Couvrant des sujets de fond en s’affranchissant de la publicité pour produits de beauté, la rédaction s’émancipe du ton habituel des magazines dits « féminins ». Grégory Lassus, son fondateur, se souvient des réactions au tout premier numéro dans un article de Télérama :

« La coïncidence entre journalisme de qualité et magazine féminin semblait si improbable qu’on nous a tout de suite collé l’étiquette « féministes ». Comme si parler de places en crèche plutôt que de crèmes de jour relevait d’un acte militant… ».

Quand on s’adresse aux femmes en ne les prenant pas que pour des consommatrices décérébrées, à des ménagères de moins de 50ans ou à des porte-manteaux ambulants et bien cela fonctionne : les ventes avoisinent les 30 000 exemplaires, et le lectorat transgénérationnel (« de 15 à 89 ans chez les abonnés ») est réparti sur toute la France.

Mais alors, s’intéresser aux véritables problématiques rencontrées par les femmes ou simplement parler des femmes, c’est de fait être féministe ? Et ben oui.

Un consensus fait démarrer le « retour » du féminisme à l’affaire DSK qui a fait déferler une ribambelle de clichés sexistes dont le summum a été l’expression de Jean-François Kahn qualifiant l’affaire de « troussage de domestique ». Je suis tentée de penser que cette prise de conscience et ce militantisme est davantage une affaire générationnelle à en juger par l’âge de ces nouvelles activistes qui correspond systématiquement à la génération Y, ne serait-ce que sur ce blog. En effet, si ma maman a connu une époque où l’autorisation de son époux était nécessaire pour qu’elle puisse obtenir un chéquier, ma génération à moi envisage l’égalité comme un postulat de départ et renverse les mœurs par leurs nouvelles attentes. Nous ne sommes pas des amazones, nous sommes des citoyennes.

Je ne peux là dessus qu’avancer ma propre expérience mais il est vrai par exemple que l’homme avec lequel je partage ma vie la partage véritablement. Il fait les courses, sait faire cuire un œuf ou changer une ampoule et ce qu’il ne savait pas faire (parce que sa maman ne lui avait jamais montré), il a eu l’intelligence de l’apprendre. Pour cela, pas besoin de lavage de cerveau ou de sermons à la maison, contribuer à égalité au quotidien est une évidence qui relève de la logique spontanée de son côté. On se rapproche là du modèle Suédois (on cite souvent la société suédoise comme exemple mais il est vrai qu’elle est en avance sur bien des choses) où l’expression de la virilité passe par la capacité d’un homme à remplir son rôle de père et à assumer ses responsabilités au sein du foyer ; ainsi il est courant de croiser un homme en costard-cravate avec des courses dans une main et une poussette dans l’autre. En France, nous en sommes encore loin.

Mais si être féministe c’est seulement vouloir l’égalité alors on est tous féministe?

Et bien non et l’inégalité  prospère. D’abord parce que les clichés ont la dent dure et que même si les lois ont été votées, le sexisme demeure. En pratique, le « féminisme » conserve une image dégradée voire dégradante alors que nous assumons toutes notre filiation (fille-iation ?) avec les générations précédentes grâce auxquelles nous avons des salaires égaux (au moins légalement), la pilule, les plannings familiaux (quand on y a accès), et les lois sur la parité, nous avons su nous adapter aux nouveaux media comme twitter, facebook ou youtube et nous avons rénové le militantisme. Nous sommes toutes d’accord sur l’idée qu’être discriminée parce que l’on est une femme n’est pas juste pourtant nous pouvons encore être frileuses vis à vis de ce qualificatif.

« Non, je suis pas féministe mais… »

Même dans les rangs des activistes, nous ne revendiquons pas toutes l’appellation. Je pense par exemple aux deux chanteuses du groupe Brigitte qui récusent le terme. Elles assument leur féminité, leur talent, leur vie de femme et de maman épanouie, leurs textes et leur posture sont clairement engagés pourtant elles expliquent ne pas être féministes. Mais pourquoi donc ?

Cela n’engage que moi mais j’ai tendance à penser que cela tient à la définition même du féminisme qui mérite elle aussi un sérieux dépoussiérage. Pour wikipedia, le féminisme « est un ensemble d’idées politiquesphilosophiques et sociales cherchant à promouvoir les droits des femmes et leurs intérêts dans la société civile. Il s’incarne dans des organisations dont les objectifs sont d’abolir les inégalités sociales, politiques, juridiques, économiques et culturelles dont les femmes sont victimes. ». VICTIMES, le mot est lâché.

Victimes des phallocrates, victimes des temps partiels et des salaires plus bas, victimes des violences et du harcèlement, victimes de nos maris flemmards, de nos pères rétrogrades, victimes de la publicité avec des filles qui n’existent que sur photoshop… VICTIMES !

Cette condition est pour le moins réductrice si ce n’est dérangeante et il est cohérent qu’elle soit reçue comme une posture pour les détracteurs qui ne réalisent pas que le féminisme n’est pas un ostracisme d’une catégorie pour ses propres intérêts mais la réponse mesurée à un problème de fond récurrent qui visent systématiquement les mêmes.

Les femmes libres sachant dire « non » ou « merde » ou  “va te faire enculer connard” ne sont pas raccords avec cette position de victime. A mon sens, le féminisme tient davantage à l’ambition que nous avons pour nous-mêmes  au sein de la société et n’est pas une affaire de genre : un homme peut tout autant être féministe qu’une femme comme une femme peut tout autant être macho qu’un homme. A chaque génération sa progression mais le féminisme  en somme est en tout temps l’idée de devoir ne pas être jugé en fonction de son sexe, quel qu’il soit.

La définition en creux de wikipedia ne révèle pas que les féministes luttent contre tous les stéréotypes autant pour les femmes que pour les hommes, comme si les revendications ne tenaient qu’à se limiter à la défense d’un pré carré exclusivement féminin plutôt qu’au bénéfice de la société toute entière. Or c’est bien la remise en cause d’un modèle global pas de l’attitude des seuls Hommes ou de la condition des seules Femmes qui est évoquée, alors pourquoi cette définition si partielle ?

Justement parce qu’aujourd’hui, parler des femmes, c’est déjà revendicatif.

À propos de Marianne

Contributrice enthousiaste au blog Le Mauvais Genre, historienne de l'art, citoyenne et féministe !

15 réponses à “Mais au fait, c’est quoi le «féminisme» ?”

  1. Tairusu dit :

    Vous devriez changer la définition de Wikipedia, elle ne proviens d’aucune source sérieuse de toute façon.

    • Marianne dit :

      J’ai bien tenté mais j’ai réalisé que mystérieusement, l’ancienne était systématiquement remise en place. Etrange, non ? 🙂

  2. Sisyphe dit :

    Et Sisyphe.org depuis juillet 2002, soit depuis 10 ans. Site féministe international: http://sisyphe.org

  3. Prose dit :

    « L’image de la féministe n’est plus un cliché ringard envisageant une énervée voire une lesbienne cramant volontiers son sous-tif pour régler sa frustration ou ses comptes avec les hommes »
    A force de voir partout sur les blogs féministes (et presque systématiquement ?) ce genre de propos, que j’estime maladroits, je me questionne : est-ce qu’il est vraiment nécessaire de clamer son hétérosexualité/de se défendre d’être homosexuelle quand on est féministe ? Pourquoi éprouver ce besoin ? Ce n’est pas un peu faire le jeu de l’hétérocentrisme ? Je pense que ça mérite de s’interroger un peu…
    Je suis d’accord que ce lien homosexualité/féminisme est assez répandu dans les esprits (et qu’il est absurde) mais pourquoi ne pas plutôt répondre à ce préjugé que quand bien même on serait lesbienne et féministe, ça n’invalide pas ce pour quoi on se bat (et que, féministe ou pas, on ne hait pas les hommes quand on aime les femmes !).
    Je remarque qu’on parle de couples dans la suite de l’article. De couples hétéros, en fait, mais on ne prend pas la peine de le préciser, puisque visiblement « ça va de soi ». Et comme souvent, pas un mot sur la lesbophobie (ce n’est pas comme si l’occasion manquait, puisqu’on prend la peine d’écarter le spectre de la lesbienne-castratrice au début de l’article !).

    Je suis féministe et j’aime les femmes. N’empêche que je défends plein de choses qui « a priori » me concerne beaucoup moins que la plupart des femmes hétéros (la contraception, l’IVG…). J’ai parfois le sentiment que ça marche surtout dans ce sens-là : la lesbienne qui s’intéresse aux droits des femmes hétéros, mais pas tellement l’inverse.

    Je suis d’accord avec l’article sinon.
    Je ne suis pas là pour dire que la lutte pour les droits LGBT doit primer sur l’égalité homme-femme (je pense qu’on peut très bien concilier les deux et je trouve normal que certaines personnes se focalisent plus sur l’un ou sur l’autre) mais être féministe et « oublier » si facilement les lesbiennes et bisexuelles, ça me parait problématique.

    • Marianne dit :

      Bonjour Prose.

      Tout ça est très juste. C’était un raccourci que de ne mettre appuyée que sur mon cas alors que bien évidemment, on peut être féministe et homo comme hétéro, je me dois de penser à tous. Ca me semblait aller de soi mais effectivement ce n’est pas si évident.

      Je dénonçais la caricature « ces féministes, toutes lesbiennes et frustrées » et j’en oubliais que ça pouvait être interprété comme excluant les gays qui militent tout autant, ce n’était pas volontaire et je vais veiller à ne plus commettre ce genre de maladresse.

      Merci d’avoir pris le temps de me lire et de m’avoir apportée cette critique constructive qui m’avait échappée à la rédaction de l’article.
      A bientôt.

  4. Marianne dit :

    Coucou 🙂

    Merci pour ce commentaire.
    On pouvait interpréter la phrase : “L’image de la féministe n’est plus un cliché ringard envisageant une énervée voire une lesbienne cramant volontiers son sous-tif pour régler sa frustration ou ses comptes avec les hommes” comme une manière d’exclure les lesbiennes de mon propos, bien entendu je souhaitais au contraire faire la démonstration des raccourcis systématiques et très bêtes qui visent à toujours considérer les femmes militantes comme des homosexuelles assumées ou refoulées, comme si justement ces combats féministes ne les concernaient pas tout autant.
    J’avoue qu’effectivement, ce que tu soulignes – parler des femmes et de toutes les femmes sans systématiquement mettre comme exemple des couples hétéros – me semblait évident mais tu as raison, ça ne l’est pas. L’hétérocentrisme, est un sujet important qui mérite un futur article. Alors à très bientôt 🙂
    Marianne

  5. Zoé dit :

    Bonjour,

    Je trouve cet article intéressant et suis d’accord avec l’ensemble. Il est vrai que le mot « victimes » est gênant, et évidemment le féminisme vise l’émancipation de tous, et la destruction du patriarcat vise aussi à libérer les hommes de certaines injonctions.
    PATRIARCAT, justement, il me semble que c’est le mot qui manque dans l’article et qui me vient très rapidement à l’esprit pour définir le féminisme.
    On peut laisser de côté le mot « victimes », on ne peut pas faire comme si le féminisme ne visait pas avant tout à améliorer la vie des femmes. Alors oui la participation des hommes est indispensable, oui c’est un système qu’il faut changer et ce ne sont pas des individus qu’on vise, mais je pense que ce serait une erreur d’arrêter de dire que le féminisme combat un système qui oppresse les femmes. Parce ce que c’est ce que produit le patriarcat avant tout, même si certaines de ces caractéristiques pèsent aussi sur les hommes. Le patriarcat organise la domination masculine, aujourd’hui moins dans le droit peut être que dans les stéréotypes qu’il vise à perpétuer, et c’est lui l’ennemi, et je pense qu’il faut continuer à oser le dire, ne pas craindre de glisser vers le consensuel en voulant rassurer certains hommes dubitatifs voire méprisants vis à vis du féminisme. En tout cas c’est ma vision du féminisme, et je trouve ennuyeux (euphémisme) de mettre les intérêts des femmes et des hommes sur le même plan, car dans la société telle qu’elle est ils ne le sont malheureusement pas.

    Sinon d’accord aussi avec la réaction de Prose, n’oublions pas les lesbiennes et bisexuelles, et faisons converger les luttes, ça va tout de même beaucoup ensemble !

    Zoé

    PS : autre remarque aussi très ponctuelle sur le début de l’article : oui il y a beaucoup d’humour dans certains mouvements féministes (il faut bien…) mais je ne suis pas d’accord pour en faire un point de définition des mouvements actuels, cela me donne l’effet de marginaliser la volonté d’action qui est tout de même la priorité…

    • Marianne dit :

      Bravo pour cette réactivité et cette vigilance, je trouve passionnant de construire une réflexion grâce aux réponses de chacun, toutes ces critiques sont très constructives. Merci de cette attention à mes articles 🙂
      A bientôt.

  6. Zoé dit :

    NB : définition du féminsme dans le TLF (Trésor de la Langue française, plus fiable que Wikipédia) : « Mouvement social qui a pour objet l’émancipation de la femme, l’extension de ses droits en vue d’égaliser son statut avec celui de l’homme, en particulier dans le domaine juridique, politique, économique; doctrine, idéologie correspondante. »
    Toujours pas de patriarcat, mais pas de victime 😉

  7. nhetic dit :

    Belle synthèse! Merci 🙂
    Direction Twitter pour la partager 😉

    • Marianne dit :

      Il nous manque des petits boutons pour twitter directement ou relayer sur son profil facebook, il faudra que nous y pensions 🙂

  8. Martin Scriblerus dit :

    Votre article me laisse perplexe, de part les étranges formulations dont il est émaillé:
    – Causette et ses lectrices « féminines du cerveau » (qu’est-ce à dire? Que le sexisme serait donc biologiquement fondé?)
    – la Suède où « l’expression de la virilité passe par la capacité d’un homme à remplir son rôle de père et à assumer ses responsabilités au sein du foyer » (le sexisme serait donc encore fondé par la virilité des uns et la féminité des autres: et le féminisme, ce serait Eric Zemmour plus le partage des tâches?)

    Enfin, le problème que vous semblez éprouver avec le terme de victime a quelque chose de bien connu. « Tout va bien, je vais bien », cela vous rappelle-t-il quelque chose?
    Il me semble qu’il devient extrêmement difficile de concevoir les rapports de domination, lorsque des « femmes libres sachant dire « non » ou « merde » ou “va te faire enculer connard” [qui] ne sont pas raccords avec cette position de victime » servent ainsi à nier leur existence et surtout leur poids (puisque pour être « libre » il suffit selon vous à ces femmes d’une répartie, d’insulte – sexiste, on n’en sort pas – et ça repart!).
    Ce qui induit aussi que les femmes qui ne font pas montre de cette « liberté », ben c’est quand même un peu de leur faute si il leur arrive des malheurs, z’avaient qu’à pas s’installer si confortablement dans leur posture de victime. Les comportements des « connards » ne sont pas au coeur de la discussion, mais en marge: l’essentiel, c’est d « être libre » (toute seule dans son coin) en parvenant à les insulter lorsqu’ils commencent de se comporter mal.

    J’avoue que ces manifestations de la force de caractère des unes, force justement élaborée contre des rapports de domination de sexe qu’elles subissent, me paraît tout au contraire une preuve de plus de l’existence et de l’omniprésence de ces rapports de domination.

    Le seul féminisme que je connaisse, c’est celui qui combat ces rapports de domination de sexe, qui cherche à les identifier. Qui cherche aussi à comprendre aussi le rôle du déni, chez ceux qui en bénéficient comme chez celles qui les subissent, chez les dominants comme chez les dominés; au risque de devoir considérer que les dominées y sont effectivement victimes des agissement des dominants, de rapports de domination – et non DES victimes par essence.

    Le seul féminisme que je connaisse, c’est celui qui laisse évidemment les pathétiques fétiches essentialistes de la virilité et de la féminité aux John Gray, Zemmour et autres idéologues du sexisme à la petite semaine.

    Mais bon, je « suis » un « homme »: socialement, je me vois reconnu et identifié comme tel. Et pour cette raison justement, je ne me dirai pas féministe moi-même: c’est une posture de lutte, et c’est celle des dominéEs. (je « suis » « blanc », aussi: je ne me vois pas prétendre que je connais et comprends mieux ce que signifie subir le racisme que ceux qui en sont l’objet en permanence. Il en va de même pour la domination de sexe.)
    Ma position de dominant, qui est la mienne que je le veuille ou non, que cela me plaise ou que ma conscience en devienne inconfortable, ne me permet pas d’avoir cette prétention. Mais je n’ai pas plus que cela le goût des hiérarchies et des inégalités: je peux donc essayer de connaître et comprendre la lutte des dominé(e)s, et aussi, ce qui est plus difficile, mais primordial, de commencer par moi même, de me montrer traître à ma condition de dominant.

    Ce que je connais du féminisme, c’est ce que m’apprennent les dominées qui luttent, et ce qu’elles ont a dire à la fois de la condition de dominées qui leur est faite et de ma condition de dominant (reconnaître qu’on est victime du comportement d’autrui, ça peut-être lutter, et tout le contraire d' »être une victime ». Agir pour que la honte change de camp, cela demande de regarder en face la honte qui vient achever d’enfermer les personnes victimes dans leur souffrance, et c’est la première des conditions pour que les faits qu’elles ont subi, qu’elles subissent, puissent être nommés, reconnus, in fine que leurs auteurs puissent être confrontés à leurs propres comportements de dominants)

    C’est chez bien chez les plus exigeantes de ses penseuses, et elles n’ont pas manqué, que je vais le chercher (Elles ont pour nom Andrea Dworkin, Christine Delphy, Françoise Collin, etc.); et chez celles, nombreuses aussi qui les relaient, s’en inspirent, qui prolongent leur réflexion aujourd’hui.

    La fréquentation de leur pensée est assurément plus dérangeante, plus féconde aussi, que celle de n’importe quel magasine de société,

    • Marianne dit :

      Cher Martin Scriblerus,

      merci de cette réponse détaillée. Autorisez-moi à écarter votre première interrogation, « plus féminines du cerveau que du capiton » n’est pas une affirmation de ma part mais le slogan du magazine Causette dont je n’en suis pas l’auteur.
      Pour la répartition des taches au sein des foyers suédois, il n’est pas possible d’évacuer si facilement le patriarcat en place qui pré-détermine encore de nos jours d’une manière extrêmement caricaturale ce qui relève du domaine féminin et masculin. C’est plus que le partage des tâches mais l’interchangeabilité de ces champs de compétence et l’implication de l’homme dans des domaines souvent considérés réservés aux mères/femmes qui sont une progression notable. Alors oui, le sexisme passe très majoritairement par l’idée de ce qui est virile et ce qui ne l’est pas, un carcan sociétal dont la pérennité persiste malgré la progression des idées.

      La domination masculine n’a pas à être « acceptée ». Je suis une femme libre et je lutte avec détermination contre tout ce qui me bride à cause de mon sexe. Je ne nie pas la phallocratie, je la refuse dans ma vie, ce sont deux choses bien différentes. Je n’encourage pas le recours à une répartie cinglante face aux très délicates interjections des mâles raffinés auteur de poésie vaseuse envers les femmes, j’exprime que la subir n’est pas une obligation et que l’on peut répondre. Cette possibilité ne nous positionne plus comme victime, le simple fait de pouvoir répliquer, même si on ne le fait pas, change tout. Comme je peux l’avoir décrit, la parade de ma génération est justement de ne pas sombrer dans une bataille allant dans l’enchère de la violence pour chaque réponse mais au contraire, opte le plus souvent pour l’humour pour démontrer l’absurdité de certains comportements.

      Vous semblez avisé sur la réponse à donner pour être magnanime envers les gros boeufs, je suis persuadée que nous serions toutes ravies d’écouter vos conseils sur la meilleure posture à adopter (vous connaissez le mansplaining? https://lemauvaisgenre.wordpress.com/2012/07/17/etre-feministe-avec-une-bite/). Je n’ai pour ma part pas de solution parfaite mais peux témoigner du bien fou procuré par une répartie bien sentie devant une proposition indécente faite au supermarché au rayon produits laitiers quand je ne fais rien d’autre qu’hésiter entre les différentes marques de beurre. Je n’entends pas prôner d’exposer sa liberté mais prétendre que la ressentir fait totalement basculer les rapports : cela fait imploser les sentiments de culpabilité, d’obligation, de pression.

      J’entends ce que vous souhaitez exprimer autour de la notion de Victime et de Victimisation. A mon avis – mais cela n’engage que moi – l’inégalité fait des victimes de chaque côté, de manières différentes. Il y a donc un désaccord fondamental entre vous et moi, je ne comprends vraiment pas en quoi être un homme vous catégorise dans une position de dominateur involontaire (presque malgré vous) et pourquoi être dans cette frange majoritaire (mâle blanc) vous exclu de la lutte contre les clichés. En tant qu’homme, il ne tient qu’à vous de perpétuer ou non les idées rétrogrades, il ne tient qu’à vous de vous en affranchir dans votre quotidien, cela vous propulse donc à une place majeure dans ce rapport de lutte puisque vous décidez pleinement de votre position de dominateur.
      Une domination, c’est un dominant et un dominé. Il n’y a pas dans le féminisme une lutte entre les Hommes dominateurs et les Femmes victimes, c’est bien trop simpliste, c’est davantage une résistance aux idées machistes et un travail contre celles qui amoindrissent la liberté des femmes. Il y a des idées machistes véhiculées par des femmes et de la censure qui viennent d’elles-mêmes. Le féminisme n’est donc pas conditionné par le sexe, ça serait sexiste 🙂

      Comme je m’applique à l’expliquer, c’est une dynamique autour de la société toute entière pour l’égalité pas un pré carré des femmes pour elles-mêmes, seules à être compétentes pour les revendiquées car seules à savoir ce qu’est d’être dominées.

      Je ne lutte pas du tout pour que la honte change de camp, je ne revendique que d’avoir les mêmes droits qu’un homme, permettez-moi de trouver cela complètement différent.

Rètroliens / Pings

  1. Rencontre ave Le Mauvais Genre « Digital Wanderer - septembre 10, 2012

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